Le Monde Libre doit mettre fin aux massacres en Syrie !

Publié en soutien à l’appel de Brita Hagi Hassan du 14 juin 2019

L’une des originalités de la Révolution syrienne de mars 2011 est d’avoir innové en créant des instances démocratiques afin d’assurer la continuité des services publics dans les villes et zones libérées du régime Assad. A Alep, le conseil local de la vie d’Alep et le conseil du gouvernorat d’Alep ont été créés en mars 2013. Brita Hagi Hassan a été élu Président du Conseil local de la vie d’Alep en décembre 2015. Il est donc présenté comme le Maire d’Alep, dont il a depuis lors assuré la fonction tout en ayant quitté la ville en juillet 2016 afin de tenter d’alerter le monde sur les souffrances de ses habitants. Il n’a pas été en mesure d’y retourner en raison des offensives de l’été 2016 qui se concluront par  la reprise intégrale de la ville par le régime Assad en décembre 2016 après un siège particulièrement éprouvant et meurtrier.

Brita Hagi Assad est aujourd’hui réfugié en France, avec sa femme et ses enfants, où il continue d’œuvrer pour tenter d’enrayer les massacres en Syrie. Face au siège d’Idlib et aux exactions commises à nouveau sur les civils qui n’ont plus que les oliviers comme abris, et en désespoir de cause, il a entamé une grève de la faim le 8 juin 2019.

Le 14 juin 2019, il a adressé en première instance une lettre au Président de la République Française qui vise également les élus et représentants de la société civile que nous reproduisons ici. (Publication originale sur Alencontre.org  et tribune dans Libération)

Toute personne qui le souhaite peut faire parvenir son soutien à la démarche de Brita Hagi Hassan en envoyant sa signature à femsyr.lausanne@gmail.com (Femmes Syriennes pour la Démocratie : https://femmesdemoc.wordpress.com/)

European Council meeting, 15-12-2016. PM Fico, President Tusk and Mr Brita Hagi Hassan, the Mayor of East Aleppo. Certains droits réservés.

————————————–LETTRE DE BRITA HAGI HASSAN AU MONDE LIBRE—————————————-

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les représentants des peuples du monde libre,

Mesdames et Messieurs les représentants des organisations de la société civile,

Mesdames et Messieurs les responsables des médias, les penseurs et leaders d’opinion soucieux des causes justes,

Plus de huit ans se sont passés, dans le silence assourdissant de la communauté internationale, depuis le début de la tuerie organisée par le régime d’Assad en Syrie, en réponse au soulèvement du peuple syrien pour la liberté, la dignité et les droits les plus élémentaires. Pourtant les exactions criminelles de plus en plus féroces du régime Assad, de ses alliés russes et iraniens et de leurs milices sectaires contre la population syrienne, ont été largement documentées dans de nombreux rapports d’organismes internationaux reposant sur des sources d’information particulièrement fiables.

Aujourd’hui les Syriens sont les victimes d’innombrables crimes contre l’Humanité et crimes de guerre. Ces Syriens réfugiés dans leur propre pays subissent encore des bombardements barbares, des disparitions forcées dans les geôles du régime et la mort sous la torture dans leurs sous-sols obscurs. Ces crimes, les plus brutaux et les plus laids de notre histoire moderne et contemporaine équivalent aujourd’hui à un véritable génocide.

En dépit des atrocités et des brutalités subies, ces Syriens gardent leurs aspirations à la liberté et à la dignité. Mais ils tiennent également à une solution politique fondée en priorité sur l’application de la loi internationale, capable de garantir l’exécution des résolutions de l’ONU et de faire en sorte que les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité répondent de leurs actes devant la justice.

Je fais ici appel à toutes les institutions concernées pour qu’elles assument leurs responsabilités face à la tragédie exceptionnelle que vit le peuple syrien. Je fais également appel à elles pour qu’elles jouent un rôle à la mesure de la responsabilité historique, morale et juridique que leur impose cette tragédie. Elles doivent ainsi mettre en oeuvre le principe de “la responsabilité de protéger” tel qu’il a été entériné par le Sommet Mondial de 2005 des chefs d’Etats et de gouvernements. Cet objectif pourrait être réalisé en appliquant les principes suivants:

Une résolution contraignante du Conseil de sécurité devrait placer les prisons et les centres de détention syriens sous le contrôle de l’ONU et veiller au respect de cette obligation par le régime syrien. Les organisations internationales et humanitaires ainsi que les commissions de défense des droits de l’homme devraient être en mesure d’être informées et d’informer à tout moment sur les conditions de détention des détenus. Des mesures sérieuses et immédiates devraient contraindre le régime Assad à appliquer les clauses 12,13,14 de la résolution du Conseil de sécurité n ° 2254 de 2015, à procéder à la libération des détenus et à révéler le sort des victimes des disparitions forcées.

Une intervention directe devrait être lancée pour sauver les Civils de la région d’Idlib, conformément au principe de « la responsabilité de protéger » et pour empêcher le régime de continuer à bombarder et à détruire les habitations et les infrastructures, et à commettre des massacres, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre contre les Civils.

Le parachutage de tentes, de couvertures, de denrées alimentaires et l’apport de toute aide essentielle à la survie dans les zones assiégées et sinistrées.

La réactivation des efforts entrepris pour aboutir à une solution politique à Genève, du fait qu’il a été prouvé que la voie tracée par Astana n’a conduit qu’à davantage de crimes de guerre commis par le régime et ses alliés russes et iraniens. Cette solution politique doit obligatoirement mener à une transition sans le régime Assad.

Le placement de la Syrie sous administration internationale intérimaire en adoptant une résolution contraignante du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII.

L’activation de la justice pour mettre fin à l’impunité pour les crimes commis par le régime Assad et ses alliés, en particulier pour l’utilisation d’armes chimiques et de barils d’explosifs, ceci conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

La mise en place d’une protection juridique pour les réfugiés syriens, conformément à la Charte des Nations Unies et à la Convention de Genève de 1951 relative aux réfugiés, et l’empêchement de leur retour forcé en Syrie, tant que de graves risques pour leur vie et pour leurs libertés fondamentales subsistent.

La protection du peuple syrien contre le terrorisme du régime et de ses alliés russes et iraniens, en particulier les milices sectaires de la garde de la révolution iranienne, qui est classée parmi les organisations terroristes, est une étape incontournable de la guerre contre le terrorisme dans la région.

Aujourd’hui, il incombe au monde libre et aux organisations onusiennes et humanitaires concernées d’intervenir pour mettre fin aux massacres et aux violations des droits du peuple syrien. Ce peuple qui partage avec ce monde les mêmes valeurs et les mêmes objectifs humanistes, le même rêve d’un avenir de paix, de justice, de fraternité, de rejet de l’extrémisme et de la culture de la haine, un monde qui respecte et garantit les aspirations des peuples à la liberté et à la dignité.

En espérant avoir su vous convaincre de l’importance d’apporter sans délai aux civils syriens l’assistance dont ils ont urgemment besoin, je vous prie de recevoir, Mesdames et Messieurs, l’assurance de ma considération distinguée.

Brita Hagi Hassan, ex-maire d’Alep

14.06.2019