Depuis 1970, avènement d’Hafez Al-Assad, la Syrie était un pays confiné. Le maillage serré des services de renseignement et l’emprisonnement comme mode de gouvernance enfermaient les esprits, les corps et les âmes. La révolution de mars 2011 a libéré la parole et une véritable énergie créatrice s’est exprimée à travers un foisonnement d’innovations citoyennes, d’expressions artistiques et intellectuelles. La répression brutale du régime Assad conjuguée à une inertie de la communauté internationale a projeté les Syriens dans un autre confinement.
Arrêtés arbitrairement, déplacés loin de chez eux sur le territoire syrien, réfugiés à l’étranger, survivant dans leurs villes tenues par le régime Assad… Quelles que soient leurs situations, les Syriens sont très peu entendus et vivent une nouvelle forme de confinement et d’enfermement dont le premier est, à nos yeux, l’indifférence.
La visibilité croissante de journaux de confinement « bourgeois » de personnalités qui croient vivre une soudaine apocalypse a motivé Nina Khokha, artiste syrienne originaire d’Alep, pour écrire et dessiner des histoires, vraies ou inspirées de plusieurs histoires vraies, qui racontent ces enfermements ignorés voire méprisés : celle de Syriens d’aujourd’hui plongés en pleine apocalypse. Nous lui ouvrons nos pages, en la remerciant.
Voici leurs histoires :
Les confinés – Jour 6 : Nour et Aya
المحظورين : نور و آية
Par Nina Khokha.
Dans cette image, le 26 mars 2015, Nour avait tout juste vingt-cinq ans. Quelques jours avant, c’était la fête des mères en Syrie ; sa première fête des mères. Aya, son premier enfant, était née quelques mois plus tôt, à la fin de l’année 2014.
Dans cette image, Nour donne le biberon à Aya. Elle avait arrêté de lui donner le sein depuis 8 semaines. Nour ne produisait plus assez de lait, la fatigue des déménagements successifs et la malnutrition des derniers mois de vache maigre, sans doute.
Dans cette image, Nour donne le biberon à Aya, et pose ses lèvres de jeune maman sur son front, lui murmurant que tout ira bien. Nour et Aya viennent tout juste de traverser la mer Égée dans un canot pneumatique, avec une vingtaine d’autres réfugiés, et de poser pied sur l’île de Lesbos, en Grèce.
Pour 1500 euros.