Le 23 avril 2020, Garance Le Caisne, auteure d’Opération César, au cœur de la machine de mort syrienne, Stock (2015), d’ordinaire très discrète sur les réseaux sociaux a écrit sur sa page Facebook en anglais et en arabe : « Aujourd’hui est un jour spécial. Pour les Syriens, pour la Justice, contre l’impunité.
Le premier procès pour crimes de guerre en relation avec la torture d’État depuis le début du conflit. Aujourd’hui à Coblence, Allemagne. Un premier pas. »
Pour marquer cette date, nous avons regroupé ci-dessous des articles qui saluent cette avancée tout en la replaçant dans une longue marche.
Un premier pas vers la Justice pour les Syriens – par Claire A. Poinsignon et Marc Hakim
I Jalons antérieurs à garder en mémoire
Une justice hors de portée, Joël Hubrecht, juin 2017
https://esprit.presse.fr/article/joel-hubrecht/syrie-une-justice-hors-de-portee-39474
Ne laissons plus impunis les crimes en Syrie, Joël Hubrecht, février 2019
Les Syriens en quête de justice, bulletin du Comité Syrie-Europe, après Alep, juin 2018
https://www.lemonde.fr/blog/syrie/2018/06/17/les-syriens-en-quete-de-justice/
Allemagne – Les poursuites pénales contre Augusto Pinochet, l’ancien président du Chili, les artisans de la junte militaire argentine, le ministre de l’Intérieur ouzbek Zakir Almatov aussi bien que contre l’ancien secrétaire à la Défense américain, Donald Rumsfeld, ont toutes été engagées en Allemagne. Partant de ce constat, The European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) a été créé en 2007 pour faire valoir la portée de ces actions.
En mars 2017, avec sept Syriens ayant survécu à la torture et les juristes Anwar al-Bunni du Syrian Center for Legal Researches & Studies (SCLRS) [Centre syrien pour les recherches et les études juridiques] et Mazen Darwish du Syrian Center for Media and Freedom of Speech (SCM) [Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression], l’ECCHR a adressé une première plainte au procureur fédéral allemand contre six officiers de haut rang appartenant à la branche militaire des services secrets syriens.
Deuxième action : le groupe autour du déserteur « César » a déposé une plainte avec l’ECCHR en septembre 2017.
Grâce aux efforts inlassables d’Al-Bunni et de Darwish, l’ECCHR a depuis travaillé sur d’autres poursuites pénales contre sept militaires haut-gradés, incluant le ministre de la Défense, Fahd Jassemal-Freij et le procureur militaire Mohammed Hassan Kenjo, le chef de la police militaire et le directeur de la prison militaire de Saidnaya.
En novembre 2017, l’ECCHR, en coopération avec la Fondation Heinrich Böll et Amnesty International Allemagne, le SCLRS et le SCM, ont invité à Berlin des survivants, des experts syriens, allemands et internationaux, dont la Française Catherine Marchi-Uhel, chef du Mécanisme international indépendant et impartial de l’ONU chargé d’enquêter sur les crimes graves en Syrie (MIII) pour exposer les jalons posés sur la route de la responsabilité pénale quant aux crimes commis en Syrie
Enfin, le 8 juin 2018, Der Spiegel a annoncé que l’Allemagne a délivré un mandat d’arrêt contre Jamil Hassan, un proche d’Assad, chef des redoutables services de renseignements de l’armée de l’air syrienne, pour crime de guerre et crimes contre l’humanité. Une première.>
https://www.lemonde.fr/blog/syrie/2018/06/17/les-syriens-en-quete-de-justice/
Des réfugiés syriens traquent Ali le chimiste, avril 2019
Entretien avec Anwar al-Bunni, par Marc Nexon, Le Point, 2 mai 2020. L’avocat syrien Anwar al-Bunni raconte sa rencontre fortuite à Berlin avec son ancien geôlier, jugé en Allemagne pour crimes contre l’humanité. « La première fois, c’était en 2014 dans le camp de réfugiés où je me trouvais à Berlin. Je ne l’ai pas reconnu, mais je me suis dit : « Je connais ce type. » Sa moustache, sa calvitie, ça me rappelait quelqu’un. Entre-temps, il avait grossi. Quelques jours plus tard, un ami venu me rendre visite me dit : « Tu sais, Anwar Raslan est arrivé dans le camp. » J’ai tout de suite réalisé que c’était lui. Puis, je l’ai revu une autre fois. J’avais quitté le camp et je venais d’emménager dans un appartement de location, toujours à Berlin, mais en dehors du centre. J’avais besoin de faire quelques réparations, alors, je me suis rendu avec ma femme dans un magasin de bricolage. Et là, dans les rayons, je l’ai revu. J’ai aussitôt dit à ma femme : “C’est fou, il nous suit ! On vient de partir et il est là !” »
II Coblence 2020
1) Pré-enquêtes et pré-articles
La traque –Sur les traces du colonel Anwar Raslan, déserteur mais faux repenti, jugé pour crimes contre l’humanité. Enquête en cinq épisodes de Lena Bjurström et Jean-François Desserre pour le site Les Jours
https://lesjours.fr/obsessions/la-traque-anwar-raslan/
AP, 21 avril 2020
This week, Wassim Mukdad will come face-to-face with the man accused of running a government detention center where he and thousands of others were tortured during the early months of the uprising against Syrian President Bashar Assad
https://apnews.com/502ddbc7d26bb6dccbfaeb9b3f7adb17
Two Syrian defectors to go on trial in Germany for war crimes by Philip Oltermann in Berlin and Emma Graham-Harrison in London, 22 April 2020
Anwar Raslan and Eyad al-Gharib accused of roles in Assad regime’s torture apparatus
https://www.theguardian.com/world/2020/apr/22/two-syrian-defectors-to-go-on-trial-in-germany-for-war-crimes
High-profile Syrian war crimes trial begins in Germany, Chloe Cornish in Beirut, Erika Solomon in Berlin, Financial Times, 23 avril 2020
https://www.ft.com/content/12db3573-b2e8-4f7c-835d-77169a69ce9b
Procès historique en Allemagne de deux tortionnaires du régime syrien, Hala Kodmani, Libération, 22 avril 2020
Exactions en Syrie : 5 ans de quête, une plainte en France, un espoir de justice, L’Orient-le-Jour, 23 avril 2020
L’ingénieur franco-syrien Obeida Dabbagh raconte son calvaire
En Allemagne, le procès d’un colonel syrien redonne de l’espoir aux victimes, Caroline Hayek, L’Orient-le-Jour, 23 avril 2020
« Quand j’ai su qu’il vivait tranquillement en Allemagne, je me suis demandé comment il pouvait oser ? » fustige Nuran al-Ghamian, l’une des anciennes détenues témoignant contre Anwar Raslan
Procès historique des tortures dans les prisons du régime syrien, Thomas Wieder, Le Monde, 23 avril 2020
Torture and death: Life in al-Khateeb detention center by Will Christou and Walid Al Nofal, 29 April 2020
https://syriadirect.org/news/torture-and-death-life-in-al-khateeb-detention-center/
2) Récits sur le déroulement du procès
Mansour Omari arrive à Coblence, malgré le confinement, pour Amnesty International
https://www.amnesty.org.uk/blogs/campaigns-blog/syrian-torture-trial-koblenz-germany-part-1
Jour 1 AFP en FR
Syria torture trial opens in Germany, reports @jonsnowC4 + brief interview of Mazen Darwish
https://www.channel4.com/news/syria-torture-trial-opens-in-germany
Jour 2 AFP en EN
Syria n ‘torturers’ switched sides, German court hears.
https://www.france24.com/en/20200424-syrian-torturers-switched-sides-german-court-hears?ref=tw
Justice Update –A small town in Germany, podcast by Janet Anderson : Balkees Jarrah, associate international justice director and Sara Kayyali Syria Researcher at Human Rights Watch, 1er mai 2020
https://www.asymmetricalhaircuts.com/episodes/justice-update-a-small-town-in-germany/
They felt too safe: how two Syrian agents ended up on trial in Germany by Hannah el-Hitami for Justice Info in Koblenz (Germany), 4 May 2020
After a week of hearings in Koblenz (Germany), the first historic trial to deal with state torture in Syria provided insight on how two refugees – a former chief at the General Intelligence Directorate in Damascus and a distant subordinate, now in the box – have themselves contributed to their identification and arrest.
3) Portée
The significance of Anwar Raslan & Eyad al-Gharib’s trial in Germany last week for crimes of torture, rape, and killing in Syria, Ibrahim al-Assil, Middle East Institute, 27 April 2020
https://www.mei.edu/blog/germanys-landmark-trial-syrian-regime-officers-sends-important-message
Crimes contre l’humanité–Après l’Allemagne, la France pourrait bientôt juger d’anciens membres du régime syrien, Hélène Sergent, Le Parisien, 28 avril 2020
Entretien de Stephen Rapp, ancien ambassadeur de l’administration Obama pour les crimes de guerre, ex-procureur en chef du Tribunal spécial pour la Sierra Leone et président du Conseil de la Commission for International Justice and Accountability (CIJA) recueilli par Stéphane Bussard pour Le Temps, 30 avril 2020. Quelle est la portée de ce procès ?
« Dans la plupart des procès internationaux d’importance, ceux-ci ont eu lieu une fois que le conflit en question était achevé. Ce fut le cas avec le procès de Nuremberg, peu après la Seconde Guerre mondiale, ce fut le cas au Rwanda et en ex-Yougoslavie avec les tribunaux pénaux internationaux. Actuellement, les Britanniques sont sur le point de juger pour génocide vingt-cinq ans après la tragédie cinq maires rwandais vivant au Royaume-Uni. À Coblence, c’est une chose extraordinaire et historique. Le procès a lieu alors que des gens sont encore torturés dans l’unité 251 de la prison d’Al-Khatib et que le régime de Bachar el-Assad est toujours en place. Pour nous qui nous battons afin que la justice s’exprime à travers des pays tiers comme l’Allemagne pour pallier l’absence de la justice internationale et d’un processus de justice transitionnelle, c’est une chose qu’on n’aurait pas imaginée possible. »
Ce procès va durer un à trois ans, selon les sources.
À SUIVRE
Syrian Atrocity Crimes on Trial Branch 251, podcast of Fritz Streiff and Karam Shoumali about the world’s first criminal trial dealing with atrocity crimes committed by Syrian officials. Episode 1 on line, 1 May 2020
https://branch-251.captivate.fm
Claire A. Poinsignon et Marc Hakim
Le 7 mai 2020