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Perdre nos maisons. Vivre sous des arbres….

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Nouvelle traduction d’une interview effectuée par le journaliste idlibi Samer Daboul (@samerdaboul6), cette entrevue est celle d’une femme originaire de Ma’arrat Hurmah qui a fui les bombardements.

Traduction de Corentin Souriya Houriya.

Des déplacés dans la campagne d’Idleb – Mai 2019
(Photographe inconnu, publié par Samer Daboul)

Perdre nos maisons. Vivre sous des arbres, – 28 mai 2019

« Au début de la campagne contre Idlib, les bombardements étaient lointains, me permettant de rester chez moi et de mener une vie «normale», ce qui signifie entendre des avions et des ambulances toute la journée. Après un court moment le bombardement est devenu plus proche. Un grand nombre d’avions volaient au-dessus de nos têtes et leurs frappes ciblaient les civils et les maisons dans mon village. J’ai passé la majeure partie de mon temps dans une cave souterraine avec ma famille proche et plusieurs membres de ma famille élargie. Pendant les frappes aériennes, je regardais attentivement les expressions des membres de ma famille. J’ai vu la peur et l’anxiété sur leurs visages. Ma plus jeune sœur pleurait je ne savais pas quoi faire. J’étais impuissante. Comment puis-je la faire se sentir en sécurité ? Nous sommes restés sous terre. la nourriture et l’eau s’épuisaient et tous les magasins étaient fermés. Seules quelques personnes restaient dans le village –la majorité a fui vers la frontière turco-syrienne–.

Après qu’un de mes proches ait été tué, mes larmes ont commencées à couler. Ma mère pleurait aussi et mon père était silencieux. J’ai essayé de savoir ce qui se passait avec ma sœur, qui habite à Termala. Elle m’a dit qu’elle était terrifiée –son mari est parti il y a quelques temps et n’est pas encore revenu– Je ne peux pas décrire mes sentiments à ce moment-là. Après des jours passés sous les bombardements, nous avons décidés de fuir vers la frontière turco-syrienne. Nous ne pouvions pas rester sous les bombardements, sans magasins, pain ou eau. Tout le monde a fui vers la frontière. Nous avons attendus que les bombardements se calment un peu [pour s’enfuir] j’ai quitté l’abri à midi pour rassembler mes affaires et mes vêtements, mais je n’ai rien pu rassembler – les bombardements ont repris avec une intensité insensée et j’ai couru de nouveau vers l’abri alors que le sol tremblait autour de moi. Alors que nous quittions le village, j’ai regardé ma maison. Je ne sais pas si j’y retournerais, ou si les avions finiront par la détruire. Beaucoup des maisons autour de nous ont étés détruites, alors que les avions continuaient à voler au-dessus de nous. »

« Sur le chemin du nord, j’ai rencontré mes grands-parents. Leurs yeux étaient remplis de larmes. Mes grands-parents étaient tout simplement submergés par un sentiment d’humiliation et de tristesse. Sur la route j’ai vu des gens vivre sous des oliviers. Quel difficile spectacle. J’avais mal au cœur en les regardant. Imaginez vivre sous un arbre, sans même les nécessités les plus élémentaires. Nous étions sur la route, cherchant un abri où nous pourrions trouver la sécurité. C’était la première fois que je subissais un déplacement. C’est un sentiment incroyablement difficile que je ne peux pas décrire. Il était rendu plus difficile d’endurer cela pendant le mois de ramadan, nous refusant la possibilité d’observer ses rites.

La première nuit de déplacement, j’ai appelé ma famille qui restait dans note village. Le bombardement y était féroce. J’avais peur de perdre ma famille. C’était une nuit difficile. Beaucoup de maisons étaient détruites. J’ai entendu le bruit des frappes aériennes quand je parlais à papa. J’étais dans un état d’anxiété et de peur toute la journée jusqu’à ce que le reste de ma famille n’atteigne Sarmada [nord d’Idleb]. Après le déplacement et la pression immense sous laquelle j’avais vécue, j’ai développé des problèmes mentaux. J’avais du mal à me concentrer. Je ne pouvais pas dormir. Mon esprit continu à courir, me faisant mal à la tête. Je suis complètement épuisée. Les mêmes questions tourmentent l’esprit de chaque personne déplacée à cause de la guerre, des questions qui n’ont pas de réponse: «Pourquoi suis-je ici?» «Pourquoi ai-je perdu ma maison?» «Jusqu’à quand vais-je rester ici?».

L’impact psychologique du déplacement est immense. Perdre nos maisons. Vivre sous des arbres, cela amène certains à devenir dépressifs ou à penser au suicide à cause de l’immense pression sous laquelle nous vivons. Après le déplacement, je ne pense pas à quitter Idleb. Rester ici et rester ferme est le choix du peuple syrien, particulièrement après la fermeture de la frontière turque à la face des déplacés. »